et leur donne une joie vive à chaque événement favorable de même qu’une tristesse lancinante quand leur arrivent infortunes et adversité

La délicatesse de passion, lorsqu'on considère plus précisément ses effets, paraît être une disposition passionnelle particulièrement forte ou violente. La délicatesse est celle du mécanisme de détente de l'explosion passionnelle, qui est, elle, plutôt disproportionnée par rapport à ce qui la déclenche, puisque chaque événement favorable est susceptible de produire une joie vive, et que la tristesse que produisent les infortunes ou événements défavorables est aussitôt lancinante. Il est intéressant de remarquer que l'effet de la délicatesse de passion est polarisé entre deux sentiments contraires, la joie et la tristesse, et qu'elle tend à écarteler constamment celui qui s'y trouve sujet entre ces deux opposés. Apparemment, les deux pôles paraissent d'abord symétriques. Mais en lisant mieux on constate un accent mis sur le pôle négatif. A la joie vive correspond une tristesse lancinante, ce qui signifie que cette dernière est non seulement vive comme la première, mais qu'elle pénètre plus profondément et marque davantage. Il y a d'autre part une persistance de la tristesse qui nous est également indiquée par le fait que, contrairement à la cause simple de la joie définie comme tout événement favorable, celle de la tristesse est présentée comme double, à la fois les infortunes, qui sont le contraire des bonnes fortunes ou événements favorables, et l'adversité, qui suppose un rapport plus complexe que le sentiment de l'infortune. Pour qu'il y ait adversité, il faut une réaction du sujet et une résistance de ce contre quoi il se bat, d'où la durée plus grande de la tristesse produite par les événements extérieurs, que nous ressentons comme hostiles. Le phénomène psychologique impliqué n'est-il pas évident? Car nous éprouvons couramment que la joie ne produit pas immédiatement de réaction secondaire, étant plutôt acceptée et vécue directement et purement pour elle-même, alors que la tristesse s'ancre en nous par l'effort que nous faisons presque irrésistiblement pour la rejeter.

Ce double aspect du malheur, infortune et adversité, produit donc un double sentiment également, auquel Hume se référera sous les noms de chagrin et de ressentiment.