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La pensée et l’acte

Automne 2000

Annonce

Dans l’opinion courante, penser et agir sont des choses distinctes, et même opposées dans une certaine mesure. On voit celui qui pense comme inactif, et l’on comprend volontiers l’homme d’action comme se fiant davantage à l’instinct qu’à la raison. Cela ne signifie pas, évidemment, qu’il n’y ait pas de rapports entre la pensée et l’action, et l’on recommande habituellement de réfléchir avant d’agir. Mais précisément, ces activités se succèdent alors et ne se confondent pas. Pourtant, d’autres voient dans la pensée l’acte par excellence, et la philosophie se présente traditionnellement comme un type de science particulier, la sagesse, dans laquelle la pensée et l’action sont intimement reliées. Comment donc concevoir le rapport complexe entre la pensée et l’acte ? Et particulièrement, quel rapport la philosophie a-t-elle avec l’action ? Enfin, si la philosophie est une manière d’agir aussi bien que de connaître, comment nous situer activement par rapport à ce thème ?

Introduction

Thème

Le thème de ce séminaire est le rapport entre la pensée et l’action. Le problème qui se pose à ce propos est le suivant : selon l’opinion commune, penser et agir sont deux choses non seulement différentes, mais même opposées. Tant que quelqu’un pense ou réfléchit, ou, pire encore, médite, rêve, il n’agit évidemment pas. Et dès qu’il agit, on ne peut sans doute pas dire qu’il ne pense plus, mais alors sa pensée est entièrement subordonnée à l’action, elle n’est plus qu’un mécanisme de régulation de l’action, quelque chose qui est souvent plus instinctif que proprement intellectuel. On sait bien qu’il n’y a pas pire erreur dans le feu de l’action que de se laisser aller à réfléchir, à raisonner. C’est le sûr moyen d’introduire un temps mort, et non seulement de perdre du temps, mais de dérégler même les mécanismes de régulation plus ou moins automatiques qui guidaient l’action. De même, on distingue généralement deux types de caractères opposés, celui de l’homme d’action et celui du méditatif. Ces deux caractères ne se mélangent que difficilement. Quand le méditatif se mêle d’agir, il est aussitôt dépassé par les événements et presque toujours décalé par rapport à ce qui se passe, qui est d’un autre ordre que les objets de ses réflexions. Et inversement, quand l’homme d’action se mêle de philosophie, il s’y perd aussi, avance comme de grandes vérités des banalités, et bien souvent s’exprime de manière inadéquate même sur ses propres actions, dont il est incapable d’analyser les motifs, les ressorts, les circonstances, parce que ce n’est justement pas par de telles considérations qu’il s’est décidé et qu’il a agi. Mais d’un autre côté, il est évidemment impossible de radicaliser cette opposition entre la pensée et l’action. Les sciences et les techniques nous apprennent assez évidemment, par exemple, que les progrès de la théorie, d’une pensée très abstraite, conduisent à des modifications essentielles dans le domaine de l’action. Et justement, les sciences empiriques que nous connaissons depuis quelques siècles, manifestent également, à l’inverse, que ces progrès théoriques ne sont pas dus à la seule méditation pure, hors de toute influence du monde de l’action, mais qu’elles impliquent non seulement des capacités dans l’ordre de l’expérimentation, c’est-à-dire de la technique et d’une forme d’action, mais également une situation économique favorable, et donc un certain degré dans le développement de l’action. Même en nous en tenant à ce seul exemple, il est donc évident qu’entre l’acte et la pensée, il n’y a pas une opposition radicale signifiant une exclusion réciproque, mais qu’il existe au contraire des implications très évidentes dans notre civilisation aussi bien que dans d’autres qui attribuaient un pouvoir direct d’action à la pensée, comme dans la magie. Quel est donc le rapport entre la pensée et l’acte ?

Un lieu commun très répandu veut que la philosophie se situe du côté de la pensée en tant que celle-ci est justement contraire à l’action. Le philosophe est un contemplateur qui se détourne du monde et souvent ne comprend plus grand chose à la vie des gens qui y agissent, ou bien il est un théoricien de la race de ceux qui pratiquent le plus haut degré d’abstraction, un métaphysicien qui spécule sur ce qui n’a plus de rapport direct au monde dans lequel nous vivons. Par opposition au scientifique, qui est un penseur par un certain côté, mais qui pratique une forme d’élaboration théorique tournée vers la nature, le monde concret,  la technique, et donc vers l’action, le philosophe apparaît généralement comme celui qui a rompu à peu près tous les liens avec le monde réel où l’on agit. La question du rapport entre la pensée et l’action se pose donc d’une manière toute particulière pour le philosophe : est-il vraiment étranger à tout acte, et relégué dans un monde à part, celui des pures idées, des concepts abstraits, du monde idéal ? Et si c’est le cas, ne se trouve-t-il pas également à l’écart de la vie, comme il l’est de la réalité commune, à savoir celle où les gens agissent habituellement ? Et pourtant, la philosophie ne se conçoit pas comme une fuite hors du monde réel pour se réfugier dans une sorte de rêve ou de fiction. Elle revendique au contraire un contact plus véritable avec la réalité que celui que peuvent avoir ceux qui ne la pratiquent pas. Premièrement, la philosophie ne se conçoit pas uniquement comme théorie, à distance de la réalité, dont elle produirait comme un reflet, un double inconsistant. Elle se définit dès l’origine comme sagesse, et donc comme pratique, comme morale, aussi bien que comme connaissance. Et par conséquent, elle affirme fortement son lien à l’action. Et quand, comme dans certaines conceptions, telles que celle de la philosophie analytique, elle se veut pure théorie, encore revendique-t-elle alors un statut scientifique, qui la met au moins en contact avec le monde de l’action de la même manière que les sciences. Mais, si la philosophie (ou la théorie même) était d’un ordre totalement distinct de l’action, comment pourrait-elle jamais modifier le monde où nous agissons ? Pour avoir un effet, il faut pouvoir agir. Ainsi, il faut bien reconnaître à la science quelque effet, et même un effet très important, lorsqu’on considère à quel point elle a transformé par l’intermédiaire des techniques notre milieu de vie. Ne faut-il pas de même reconnaître à la philosophie, si elle est liée à la sagesse, c’est-à-dire à la transformation justement des manières d’agir de ceux qui la pratiquent, une forme non seulement de lien à l’action, mais d’action. Ne faut-il pas qu’en elle la pensée se révèle acte, et non quelque chose qui échappe au monde de l’action ? Et si c’est le cas, alors comment agit-elle ?

Maintenant, si la philosophie agit, la question se pose de savoir quel est en elle le degré d’intimité entre la pensée et l’action. Se pourrait-il que, comme on l’imagine d’habitude pour les sciences, il faille distinguer d’un côté la pensée, qui serait présente à l’état pour ainsi dire séparé ou pur dans la théorie, et de l’autre les applications, qui, dans la technique, rendent opérante cette théorie, en soi d’un autre ordre que celui du monde concret où nous vivons dans l’action quotidienne ? D’abord, comme je l’ai déjà remarqué, il est loin d’être sûr qu’entre la science pure, la technique et ses utilisations, la frontière soit si évidente, ou même traçable. Ensuite, dans la philosophie, en tant qu’elle se veut amour ou recherche de la sagesse, et sagesse même, ou si l’on veut, en tant qu’elle se veut morale, non seulement de manière théorique, mais de manière pratique aussi, il paraît encore moins concevable de séparer la pensée de l’action. N’est-ce pas l’une des prétentions de la philosophie ou de la sagesse que d’attribuer justement un pouvoir, une forme d’action, à la pensée elle-même, ou à l’intelligence, puisque la philosophie est d’habitude une réflexion intellectuelle, qui accepte de se défendre dans le domaine de la discussion rationnelle ? Ne faut-il donc pas concevoir la philosophie comme liant intimement l’action et la pensée, au point qu’en elle, la pensée puisse se concevoir également comme un mode de l’action ? Et dans cette mesure, peut-on pratiquer la philosophie comme une pure activité théorique portant sur divers sujets distincts d’elle, et dont elle se contenterait de produire les modèles abstraits, ainsi qu’on le conçoit généralement pour les sciences ? Car si la sagesse n'était pas simplement comme le soutient une certaine tradition, importante dans notre tradition philosophique une certaine manière d’élaborer quelques préceptes théoriques pour la vie morale, afin d’agir ensuite selon ces maximes, mais si elle était plutôt une manière d’agir dans laquelle est intégrée la réflexion morale elle-même, alors il faudrait concevoir ici que la pensée et la pratique s’unissent très intimement, de telle façon que non seulement la pensée transforme la pratique, mais qu’elle doive en outre se concevoir comme une forme de pratique elle-même. C’est ainsi que la philosophie ne se contente pas de donner des conseils sur les actions qui diffèrent d’elle, mais qu’elle recommande très constamment la pratique de la philosophie elle-même comme l’un des éléments essentiels de sa morale. Autrement dit, dans ce rapport, la philosophie paraît devenir indissociable de sa propre pratique. Mais que signifie pour nous, qui voudrions comprendre cette implication, le fait qu’il ne soit possible d’aborder cette question que dans une pratique philosophique, et non par une observation extérieure, dans une pure attitude théorique, pour autant qu’une telle attitude non pratique puisse exister ?

Position du problème

Que l’opinion dominante distingue fortement entre l’action et la pensée, cela ne fait guère de doute. Qu’agir et penser soient deux attitudes opposées, qui, à chaque instant, tendent à s’exclure mutuellement chez un même individu, c’est ce qu’on croit de manière presque universelle, comme le manifestent mille réactions courantes. Et cette opinion n’est pas seulement celle des rustres, qui n’ont pour ainsi dire pas l’expérience de la pensée et ont donc tendance à juger que la pensée n’est tout simplement rien. L’opposition est inscrite dans nos langues déjà. Chacun comprend bien que, dans n’importe quel milieu, quand quelqu’un avance l’injonction : « maintenant, il faut agir ! », il apparaîtrait incongru de répondre « vous avez raison, mettons-nous à réfléchir ! », parce que, ce qui était impliqué dans l’appel à l’action, c’était justement l’opposé, à savoir quelque chose comme : « réveillez-vous, cessez de réfléchir ou de rêver, il est temps de passer à l’action ! » Dormir, rêver, paresser et penser, tout cela est généralement compris, dans mille expressions de nos langues, comme signifiant l’opposé de ce que signifie agir. Passer à l’acte, c’est mettre fin à ce qui était censé précéder l’acte et rester d’une nature étrangère à lui. En quelque sorte, on peut se demander si l’action aurait encore un sens dans la langue commune, si elle ne s’opposait pas, entre autres choses, à la pensée. En effet, on sait que, pour qu’un terme ait une signification, il faut qu’il puisse être soit affirmé soit nié dans une proposition de telle manière qu’il y ait exclusion entre les deux opérations ou les propositions qui en résultent. S’il doit y avoir de l’action, il faut qu’il y ait des choses qui ne soient pas de l’action, de la non-action en quelque sorte. Et la pensée n’est-elle pas au moins l’une des manières de ne pas agir, sinon même la principale ? Mais qu’est-ce qu’agir ?

Si l’inaction s’identifiait avec l’immobilité, on pourrait croire que l’action est simplement le mouvement. Mais, quoique l’action et le mouvement aient certaines affinités, elles ne s’identifient pas. S’il y a des mouvements actifs, il y en a aussi de passifs. Le char qu’on tire ou le prisonnier qui se fait traîner bougent bien, mais n’agissent pas. Pour qu’une chose puisse être reconnue comme agissant, il lui faut plus que du mouvement, une forme de causalité : c’est ce qui cause le mouvement qui agit, et non simplement ce qui bouge, si son mouvement n’est qu’un effet d’autre chose. D’ailleurs, ce mouvement n’est peut-être même pas toujours nécessaire à l’action. Ainsi, qui agit, de celui qui commande à d’autres de courir et de ceux qui lui obéissent ? En un sens, c’est celui qui commande, parce qu’il est la cause du mouvement des autres. En un autre sens, parce que celui qui commande ne bouge pas lui-même, on hésitera parfois à le comprendre comme agissant, et l’on préférera dire qu’il commande l’action des autres plutôt qu’il n’agit lui-même. En revanche, entre celui qui se démène pour travailler selon sa propre autorité et celui qui dort, par exemple, ou même celui qui paresse, ou qui demeure immobile, pris dans des chaînes, on n’hésitera pas à voir l’opposition entre l’action et l’inaction. L’action pourrait donc sembler se rapprocher d’un mouvement autonome. Quoique cela ne suffise pas encore. En effet, entre celui qui joue et celui qui travaille, on admettra souvent une opposition entre l’action et l’inaction, bien qu’ils puissent bouger tous deux, et on comprendra en tout cas parfaitement ce que veut dire le travailleur s’il se plaint et dit à l’autre « fais donc quelque chose ! » Et pourtant, le joueur ne se mouvait-il pas aussi de son plein gré ? Il semble donc que, dans l’action, on conçoive quelque chose d’autre encore que le mouvement autonome, peut-être un mouvement qui se dirige aussi vers une fin définie.

Supposons, par simple hypothèse, que nous puissions comprendre l’action de cette manière. Si alors la pensée doit s’opposer à l’action, il faut qu’elle s’en distingue comme caractérisée par certains traits contraires à ceux que nous avons reconnus essentiels à l’action. — D’abord, on admettra aisément que la pensée ne soit pas un mouvement au sens littéral ou physique. C’est même l’une des caractéristiques marquantes de la pensée qu’elle peut se dérouler dans la tranquillité, l’immobilité, au point qu’elle privilégie souvent ce type de conditions extérieures. Sans bouger, je peux parcourir l’univers par ma pensée. Sans bouger, je peux m’imaginer dans le feu de l’action, rêver toutes les aventures les plus trépidantes. Et alors, quand je me livre à ce genre d’imaginations, on y découvre clairement cette opposition entre les actions que je fais en imagination et celles que je fais en tant que je suis un corps dans le monde matériel, puisque mon personnage imaginaire peut s’agiter beaucoup, tandis que mon corps peut rester immobile au même moment. — Ce point acquis, venons en à la question de l’autonomie. La pensée s’oppose-t-elle également à l’action par le fait qu’elle n’aurait pas la même causalité ? Il peut sembler au premier abord que la pensée soit justement très autonome, et cela d’autant plus qu’elle n’est pas empêchée par les obstacles réels qui affectent généralement l’action. Pourtant, d’un autre côté, on pourrait dire que c’est par le fait que l’agent veut ses propres mouvements que ceux-ci se révèlent être des mouvements autonomes, ou des actions. Or cette volonté n’est pas si manifeste dans la pensée, dans la mesure où les désirs qui s’expriment dans la pensée s’imposent sans résistance, et par là comme sans force ou fermeté, tandis que, dans l’action réelle, la volonté met en branle quelque élément de la réalité qui lui résiste, en quoi elle manifeste une réelle puissance. Dans la simple pensée, il semble manquer en quelque sorte l’effort pour qu’on puisse la concevoir comme un principe d’action, comme une cause réelle. D’ailleurs, ici la frontière paraît bien marquée, et l’on peut souvent noter où se trouve le seuil entre la pensée et l’action dans leur rapport à la volonté. Je peux avoir quelque velléité de faire quelque chose, et déjà, en pensée, je me vois l’accomplissant. Mais, au moment de passer réellement à l’acte, il arrive que cette amorce de volonté se révèle incapable de me mettre en mouvement, et qu’elle se montre par là comme trop faible pour s’imposer comme une véritable volonté, telle que celle que l’action suppose. En somme, de même que les actions imaginées ne sont que des représentations inconsistantes des actions réelles, de même la forme de volonté qui s’exprime dans la seule pensée n’est qu’une figure inconsistante de la volonté réelle, qui s’exprime dans l’action. — Quant à l’orientation vers une fin, elle n’est pas absolument exclue de la pensée. Mais, justement parce qu’il paraît dépourvu de résistances réelles, fluide, immédiatement malléable, s’offrant sans efforts à tout ce que les désirs veulent y représenter, le domaine de la pensée ne semble pas être un lieu où l’on puisse construire quelque chose, avancer vers un but réel, qui ne s’offre pas immédiatement comme une simple image inconsistante, mais soit atteint par des efforts cohérents, par une suite de mouvements causalement réglés, c’est-à-dire par une action justement. Bref, la pensée manque de tout ce qui nous a semblé caractériser l’action : le mouvement, la causalité réelle, l’orientation effective vers une fin, ou l’efficacité. Et il semble donc bien que l’opinion et la langue elle-même aient raison d’opposer l’action et la pensée.

Néanmoins, dans de nombreux exemples, cette opposition se brouille. Ainsi, dans l’exemple du commandement, nous avons remarqué déjà qu’il pouvait y avoir hésitation. Qui agit vraiment ?  Est-ce celui qui commande sans bouger, ou ceux qui effectuent la chose (l’action) commandée ? L’un commande et affirme la force de sa volonté, tandis que l’autre bouge et rend efficace cette volonté, qui sans son opération resterait sans effet. Il peut sembler à première vue que l’hésitation viendrait du fait que l’action se trouve ici comme scindée : d’un côté l’aspect volontaire, et de l’autre l’aspect de mouvement dirigé. Et on pourrait croire qu’il s’agit d’un cas limite, inessentiel, si l’on ne s’avisait pas que, dans la réalité humaine, la grande partie des actions se font de cette manière, à travers une collaboration, où selon des modalités diverses, les uns commandent et les autres exécutent. Or ici, l’opinion tendra à introduire l’opposition entre l’action et son contraire, mais de manières contraires aussi. Ainsi, par exemple, tout un discours socialiste va présenter le patron, qui se contente de commander, sans mettre la main à la pâte, comme simplement oisif, inactif, et donc profitant sans mérite de l’action des ouvriers, parce qu’il n’y a pas vraiment participé, se contentant d’exploiter ceux qui agissent vraiment, à savoir ceux qui, obéissant, effectuent concrètement ce qui leur a été commandé, et sont donc les seuls à œuvrer ou agir véritablement. A l’inverse, un autre discours va attribuer l’action à celui qui commande, et ne comprendre ceux qui obéissent que comme de simples instruments dans les mains du commandant. C’est ainsi que tel général, qui aura dirigé les troupes assis sur une colline, pendant que les soldats auront, eux, sué, saigné et se seront battus et débattus sous ses yeux, se verra attribuer la victoire, non pas comme à un représentant de la collectivité que constitue l’armée, mais comme à celui qui aura véritablement accompli l’action, de la même manière qu’on ne loue pas le marteau, qui bouge pourtant et frappe directement le clou, mais l’ouvrier qui le manie et qu’on conçoit seul comme agissant vraiment. Mon intention n’est pas ici de chercher laquelle de ces deux opinions est la vraie, ou si elles ne sont toutes les deux que partiellement vraies, mais de constater que l’opinion habituelle ne comporte pas un concept d’action suffisamment précis pour permettre par elle-même cette décision.

Maintenant, dans des cas comme celui-ci, s’agit-il seulement d’une certaine imprécision de notre notion d’action, qui conduit à une hésitation sur ses frontières, lorsqu’il s’agit de l’appliquer là où certaines caractéristiques du concept sont présentes, et d’autres non, ou bien nous trouvons-nous face à des défauts plus radicaux de cette notion, qui en affectent l’application même là où elle paraissait ne pas faire problème à première vue ? Et par exemple, l’opposition entre l’action et la pensée tient-elle encore s’il faut la comprendre avec la même notion d’action qui nous laisse dans l’incertitude lorsqu’il s’agit de savoir qui agit de celui qui commande ou de celui qui obéit ? Celui qui commande n’est-il pas en effet souvent dans la position du penseur, de quelqu’un qui se contente de concevoir et de dire ce qu’il conçoit, tandis que seul celui qui exécute se met réellement en mouvement pour opérer dans la réalité ? Dans ce cas, nous voici bien embarrassés, s’il faut maintenant inverser les termes dans l’opposition. Car il suffit d’affirmer qu’entre celui qui pense et celui qui agit, c’est peut-être celui qui pense qui agit, pour que nous tombions dans une aporie. Car que fera l’autre, celui qui agit par opposition à celui qui pense, et dont nous devons affirmer maintenant qu’il n’agit pas ? Il nous faut conclure en effet qu’il est à la fois celui qui agit et qui n’agit pas, ce qui est contradictoire.

Il est donc évident que notre notion habituelle de l’action, et notamment de l’opposition entre agir et penser qui est un des éléments constitutifs de sa signification, reste très confuse et incohérente. On est amené à soupçonner que ce qui fait problème, ce n’est pas seulement l’idée précise de la relation entre les deux notions, celles d’action et de pensée, mais bien la confusion dans la conception des deux termes de cette relation. Autrement dit, si notre façon de concevoir le rapport entre la pensée et l’action est incohérente, ce ne serait pas parce que nous n’avons pas réussi à établir le rapport juste entre deux termes clairs en eux-mêmes, mais parce que les termes mêmes de cette relation sont confus. Cette hypothèse est très vraisemblable à cause déjà de la nature même de la signification, qui ne consiste pas en des sortes de blocs de sens isolés, pour ainsi dire substantiels, se tenant chacun en soi et n’entrant avec les autres que dans des rapports extérieurs. Car on sait que les termes d’une langue, les notions qui leur sont liées, ne prennent sens qu’à l’intérieur du système de relations dont ils font partie avec les autres, si bien que c’est la signification même des termes mis en rapport qui est en cause dans la compréhension de ce rapport. En d’autres mots, c’est parce que nous ne savons ni ce qu’est la pensée, ni ce qu’est l’action, que nous nous trouvons embarrassés lorsqu’il s’agit de comprendre la manière dont ils se rapportent l’un à l’autre. Mais cette constatation ne doit pas nous conduire à nous donner pour principe de méthode de chercher à commencer par nous faire d’abord une conception claire de chacune de ces notions avant d’aborder la question de leur rapport. Nous avons vu au contraire que les significations ne se laissent pas saisir ainsi de manière isolée, mais qu’il est de leur nature de se définir les unes par rapport aux autres. Aussi, c’est plutôt en examinant ce rapport même entre la pensée et l’acte que nous en viendront peut-être à comprendre mieux l’un et l’autre de ses termes, qui s’éclaireront réciproquement à mesure que se clarifiera leur relation.

L’idée selon laquelle les significations se définissent par leurs relations réciproques ne signifie pas pour autant qu’il faille chaque fois considérer explicitement l’ensemble des termes d’une langue pour comprendre l’un d’entre eux, même si, en un sens, nous effectuons toujours implicitement une opération de ce genre, sur la partie au moins de cette langue que nous connaissons. Il y a des degrés de proximité divers dans les termes qui composent un système, des nœuds et des rapports plus importants que d’autres dans le réseau. Ainsi, pour la pensée, certains autres corrélatifs se présentent comme plus indispensables : ce seront par exemple l’objet pensé, la distinction de l’apparence et de la réalité, le rapport au concept et à l’image, et justement, le rapport à l’action. De même, pour l’action, les corrélatifs les plus importants seront par exemple la volonté, le but visé, les instruments, les stratégies, l’énergie, l’obstacle, et, justement aussi, le rapport à la pensée. Il y a, dans cette région entre la pensée et l’action, une constellation confuse de notions et de liens entre elles.

On peut se donner pour tâche de clarifier cette zone par une opération d’analyse conceptuelle. On pourrait par exemple recenser les divers rapports importants et de différentes natures qui peuvent être établis entre la pensée et l’action. On verrait par exemple que, si dans de nombreux contextes la pensée et l’action s’opposent, dans d’autres elles s’impliquent de diverses manières. Ainsi, il y a une pensée qui prépare l’action, que le bon sens reconnaît en estimant qu’il vaut mieux réfléchir avant d’agir. Il faut projeter et planifier pour agir efficacement, nous assure-t-on. De manière plus lointaine, mais dans le même ordre d’idées, il est utile qu’il y ait une pensée qui prépare cette réflexion stratégique ou tactique. En effet, celle-ci sera souvent plus efficace pour celui qui disposera de méthodes pour conduire ses réflexions et construire ses plans. Il y a donc, plus en amont, toute une réflexion de caractère théorique, destinée à préparer la pensée qui prépare plus directement l’action. Et, comme on le sait, ces théories ont avantage à être construites méthodiquement à leur tour, de sorte qu’elles renvoient encore à une réflexion méthodologique antérieure. Et nous voici peu à peu conduits à rapporter l’action à une forme de pensée qui en paraîtra extrêmement éloignée, et d’un caractère justement très opposé à celui de l’action même, mais qui se trouve pourtant liée à celle-ci, s’il est vrai que l’efficacité de l’action peut en dépendre. Cette supposition est d’ailleurs parfois contestée par ceux qui préféreront se fier à quelque instinct dans l’action, et qui pourront montrer combien dans le feu de l’action, c’est celui seul qui s’immerge dans l’action, en épouse le rythme, et agit donc sans se permettre le recul de la réflexion, qui réussit. Il est classique, même chez les philosophes, de distinguer entre un domaine de l’action, de la volonté ou de l’élan vital, par exemple, et un autre de la pensée, de la représentation ou de l’intelligence. Et une fois une distinction de ce type admise, on va éventuellement renverser les priorités que nous venons d’établir. On pourra affirmer par exemple que c’est l’instinct, l’action, la volonté, l’élan même de la vie, qui se trouve au fondement, et que l’intelligence n’apparaît que comme un phénomène de surface, un instrument ou un moment final, d’épuisement, de l’action, comme la plage sur laquelle viennent s’éteindre les vagues en fin de course. Loin dans ce cas que ce soit la pensée qui dirige l’action, c’est celle-ci qui utilise l’intelligence ou qui y dépose ses scories. Alors, je ne fais pas telle chose parce qu’il est raisonnable de la faire, mais elle m’apparaît raisonnable parce que le mouvement de l’action m’y porte. Dans les deux cas, que la pensée dirige l’action, ou que l’action commande la pensée, tous les deux continuent à être conçus comme ayant un rapport essentiellement extérieur : ils sont comme deux acteurs qui collaborent plus ou moins, et dont l’un dirige l’autre, ouvertement ou à son insu.

Il n’est pas question pour moi de chercher à résoudre maintenant ce problème du sens de la relation entre la pensée et l’action, pour en proposer une solution, même sous forme hypothétique. Les notions que j’ai mises en œuvre jusqu’ici ne sont pas avancées comme des vérités. Au contraire, j’ai tenté de me tenir autant que possible dans le domaine de l’opinion pour en montrer l’inconsistance et pour faire apparaître l’exigence philosophique d’en sortir. Cette analyse, si elle doit être accomplie, reste entièrement à faire. Ce qui m’importe, c’est d’abord de décrire notre situation, l’état des lieux, non pas parce que cette description serait déjà la vraie, mais parce qu’elle devrait nous permettre de voir le côté problématique de notre situation à l’égard du rapport entre la pensée et l’action en fonction de la manière dont ce rapport nous apparaît, du moins en supposant que nous nous tenions toujours plus ou moins dans le domaine de l’opinion courante.

Il y a donc un problème concernant les concepts eux-mêmes à partir desquels nous tentons de comprendre notre situation, et que nous pourrions tenter de résoudre par une analyse conceptuelle systématique. Mais j’aimerais remarquer aussitôt que, à mieux la considérer, notre situation n’est pas si simple. Nous avons vu qu’il était par exemple possible de concevoir le rapport extérieur entre la pensée et l’action en les hiérarchisant, mais de deux façons différentes, parce que cette hiérarchie se laisse renverser au profit de l’une ou de l’autre. De ces deux hypothèses, nous ne savons pas laquelle est la bonne, bien sûr, sans compter que nous ne savons pas même si l’une et l’autre ne seraient pas erronées du fait qu’elles supposeraient toutes deux une fausse prémisse — comme ce serait le cas par exemple si la hiérarchie établie entre la pensée et l’action impliquait chaque fois une distinction fausse entre elles, telle que, justement, un rapport entre ce qui dirige et ce qui est dirigé. Mais, en partant pour l’instant de ce que nous concevons — ce à quoi il faut bien nous résigner, puisque ce que nous ne savons pas ne peut nous fournir un appui —, nous découvrons notre propre position très embrouillée, prise dans la confusion caractéristique de notre problème, et cela du fait même que nous nous disposons à le clarifier. Reprenons en effet les deux hypothèses précédentes pour les appliquer à notre situation. Nous voulions clarifier les rapports entre les notions de pensée et d’action. Mais il est évident que cette clarification est un effort de la pensée et de l’intelligence, et que c’est en tant que tombant dans le domaine des objets de la pensée que nous envisageons la pensée et l’action, puisque nous projetons d’en examiner les concepts ou notions, et non la réalité comme telle. En ce sens, dans l’opposition entre la pensée et l’action, c’est du côté de la pensée que nous avons cherché notre point d’appui, et nous pensons pouvoir comprendre l’action à partir d’elle. Ceci s’accorderait avec l’hypothèse selon laquelle c’est la pensée qui domine l’action, qui la prépare et la définit. Mais, selon l’autre hypothèse, notre pensée, notre intelligence, n’est qu’un appendice de l’action, qui trouve en celle-ci sa détermination et le principe de sa compréhension. A supposer que cette hypothèse soit la bonne, il serait donc vain de nous installer dans la pensée pour analyser les concepts d’action et de pensée comme si la pensée comme telle pouvait se comprendre en elle-même et trouver en soi le principe d’une clarification authentique et d’elle-même et de l’action, ou de quoi que ce soit d’autre. S’il se trouvait par exemple que l’intelligence et la conscience elle-même ne soient qu’une ruse de l’action, voire qu’un raté de l’action, une sorte de tumeur, qui embarrasse l’action, alors il serait tout à fait illusoire de vouloir pénétrer ce rapport entre les deux par une simple analyse conceptuelle, vu que cela reviendrait à tenter de ramener l’action à la pensée, ce qui commande à ce qui obéit, le corps à son anomalie, la réalité à son reflet, etc. En revanche, s’il était vrai que la pensée détermine l’action, lui donne ses fins, ses moyens, et ne lui laisse plus que l’exécution, un peu comme le technicien donne à la machine sa forme et ses principes pour ne plus lui laisser que la simple opération mécanique, alors il faudrait comprendre que l’action n’est en somme que pensée, avec peut-être un résidu d’opération mécanique que la pensée commande d’autant plus entièrement que l’action, et la pensée technique elle-même, est plus parfaite. Dans cette deuxième hypothèse, c’est l’opposition qui a disparu parce que l’action a été assimilée par la pensée, et nous ne comprenons plus notre impression de départ, selon laquelle penser et agir ne sont pas la même chose. Pouvons-nous concentrer notre vie à ce point dans la pensée que nous ne sentions plus qu’elle puisse être rien d’autre ? Sommes-nous prêts à ne voir l’action que comme une action de rêve, d’un très grand rêve peut-être ? Cela n’est pas contradictoire en soi, c’est-à-dire justement en tant que nous nous limitons au domaine de la pensée. Mais comment expliquer alors ce que nous avions pu comprendre comme l’opposition de la pensée et de l’action ? Et comment, non seulement nous convaincre de l’éventuelle cohérence d’une telle position, mais nous en persuader dans notre vie, au sein de l’action même ?

Maintenant, si nous voulions tenir compte de la première hypothèse pour définir la manière d’envisager notre problème, alors il nous faudrait poser que c’est à partir de l’action que la pensée peut se comprendre et prendre pied dès le départ dans l’action. Mais comment y parvenir ? Supposons, comme on peut le croire, que l’action doive se comprendre de l’intérieur, qu’elle s’éclaire pour celui qui agit, qui y participe. C’est une expérience commune en effet que souvent, observée de l’extérieur chez d’autres, une action paraît absurde, et que d’ailleurs ceux qui y sont engagés et qui voudraient convaincre leur entourage de l’importance de s’y engager, ne le peuvent pas rationnellement, et doivent finir par inviter simplement à venir voir en tentant l’aventure, pour l’éprouver de l’intérieur. Et effectivement, on fait aussi l’expérience que ce changement de perspective renverse la compréhension qu’on a de l’action, et qu’en s’y lançant, on voit parfois l’action prendre sens par elle-même. Impossible de vivre l’action en se contentant de la penser, diront certains, il y a entre cette simple réflexion sur l’action et l’action elle-même une rupture, qu’on ne peut franchir à l’intérieur de la pensée, pas même par le raisonnement le plus subtil. Il faut sauter, sauter hors de la pure pensée, dans le domaine de l’action, et « sauter » justement, non se contenter de penser le saut, car il faut agir déjà pour sortir de la pure pensée et découvrir l’illusion de sa supposée autonomie. Mais alors, comprend-on encore la pensée, étrangère à l’action ainsi conçue comme une sorte de réalité en soi ? Et peut-on encore saisir le rapport entre cette pensée évanescente et l’action qui remplit toute la réalité ? Ou, si on la comprend, ne rétablit-on pas les ponts qu’on avait insisté à dénoncer comme purement illusoires ? Enfin, comment saurons-nous que le point de vue de l’action est le bon ? En aurons-nous une connaissance théorique, capable de se défendre dans le domaine du concept, de l’argument rationnel ? Mais alors, nous revoilà inféodés à la pensée. Et sinon, l’idée d’une compréhension, d’une clarification du rapport entre la pensée et l’action a-t-elle encore un sens ? Celui qui agit n’a-t-il pas perdu de vue la pensée, s’il agit fondamentalement et non comme dirigé encore par la pensée ?

Difficile donc d’entrer dans notre question soit par l’action seule, soit par la pure pensée, en tant justement qu’on conçoit une différence radicale entre les deux. Mais, à supposer que la distinction ne soit pas telle qu’elle permette de séparer une pensée pure d’une action pure, parce qu’il y aurait toujours un certain acte de penser comme une certaine pensée ou conscience de l’action, comment aborder notre problème ? L’attitude purement active, celle du saut dans l’action pure, ne semble pas convenir, parce qu’elle paraît supposer la possibilité d’éliminer la pensée de l’action. L’autre attitude, l’attitude purement théorique, celle du développement de la pensée en elle-même dans une pure analyse conceptuelle, paraît devoir échouer également, parce qu’elle suppose la possibilité d’éliminer toute trace d’action dans la pensée. Certes, le présupposé de cette attitude est justement que les choses apparaissent d’autant plus vraiment, plus objectivement, qu’elles sont abordées par une pensée plus pure, plus dégagée de l’action, et par là moins biaisée par l’influence de motifs étrangers à la théorie elle-même. Et sans doute est-il vrai aussi que jamais les choses n’apparaissent mieux objectivement — c’est-à-dire telles qu’elles sont en tant que purs objets — que quand elles ne sont saisies que comme telles, c’est-à-dire comme de purs objets de la pensée justement. Mais la question du rapport entre la pensée et l’action nous entraîne dans la perspective où s’annonce la possibilité que la pensée soit elle-même un mode d’action, et qu’elle soit donc fondamentalement affectée par ces motivations que la théorie veut rejeter comme étrangères à elle.

Comment donc tenir compte de cette implication apparemment inévitable de la pensée dans l’action et de l’action dans la pensée ? Il me semble que l’enquête sur ce sujet doit, non pas présupposer la vérité de la thèse de cette double implication, mais en envisager la possibilité et en tenir compte dans sa propre méthode, en abordant son thème comme quelque chose dans quoi elle est peut-être intimement impliquée, et non comme s’il s’agissait d’un objet qu’elle pouvait contempler, observer et manipuler de l’extérieur, comme le fait habituellement la démarche théorique. Pour cela, peut-être la méthode suivante pourrait-elle s’avérer appropriée : il s’agirait d’aborder toutes les questions concernant le rapport de l’acte et de la pensée, y compris celles qui peuvent se proposer comme objets d’une pure pensée — comme celles qui relèvent d’une analyse des notions de pensée et d’action —, en réfléchissant toujours à cette implication de l’acte dans la pensée, et cela dans les opérations mêmes que nous accomplissons dans cette recherche. Dans cette perspective, il s’agira d’aborder notre sujet de diverses manières, selon les méthodes qui peuvent nous paraître traditionnelles à l’investigation théorique et philosophique, tout en faisant de cette enquête même une expérience sur notre sujet, c’est-à-dire en réfléchissant à ce qui s’y passe concernant la pensée et l’action.

Dans les séminaires de la série précédente, je proposais une sorte de lecture expérimentale et réflexive analogue à la méthode que je vous propose maintenant, de manière à saisir l’activité de lecture et de réflexion philosophique qui s’exerçait dans notre interprétation des ouvrages pertinents chaque fois pour le sujet abordé concernant la question de la nature de la philosophie. La méthode que je propose actuellement est analogue, mais en changeant d’objet, dans la mesure où nous nous donnons directement pour objet la question du rapport entre l’acte et la pensée, sans l’intermédiaire de textes, c’est-à-dire d’œuvres philosophiques sur le sujet. Et nous mettons pour ainsi dire plus à nu ce rapport d’expérimentation réflexive sur notre propre activité dans notre séminaire, qui devient par là également une forme d’atelier philosophique. En effet, du fait que l’accent est déplacé — passant de la méditation sur des livres effectuée par l’intermédiaire des œuvres de la tradition à la réflexion directe sur notre activité de pensée prise elle-même pour objet —, ce qui dans les séminaires précédents paraissait peut-être davantage encore une tentative pour ressaisir une pensée déjà donnée d’une certaine manière (même si ce n’était pas le cas), devient clairement à présent œuvre de création philosophique, ce pourquoi notre séminaire peut se concevoir de manière appropriée comme un atelier philosophique.

 Gilbert Boss  

 

 

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