Il n'y a évidemment pas de parti des individualistes, mais des individus qui tendent à s'associer de manières diverses, à former des réseaux, des réseaux de réseaux, et un État dont la fonction soit d'assurer les conditions de leur liberté.

Qu'est-ce qu'un parti, sinon une sorte d'armée qui se bat dans le domaine des opinions d'abord, et souvent aussi sur les champs de bataille? Surtout, ce sont des armées disciplinées comme les autres armées de nos jours. Au nom de certaines causes, on y accepte les dogmes et les mots d'ordre qui vont créer l'unité de pensée et d'action, et former la masse des partisans ou des militants. Tous les partis ne sont pas disciplinés et massifiés au même degré, ni ne se trouvent par conséquent aussi opposés à l'individualisme les uns que les autres. Mais l'homme libre devient difficilement le militant d'un parti.

Cela ne signifie pas que les individualistes ne puissent s'associer pour agir. Ils s'associent même naturellement, mais d'une autre façon que l'homme de masse. Les relations d'un individu libre tendent également à être individuelles. Or les relations individuelles ne s'étendent pas à la manière des unions générales autour d'idées ou de mots d'ordre abstraits, en soumettant des masses à une direction. Elles s'étendent sous la forme de réseaux, chaque individu formant un noeud dont les relations conduisent à d'autres noeuds, progressivement, sans que ces relations cessent d'être individuelles, pour constituer un réseau commun.

Ne cherchez donc pas où se trouve le parti des individualistes. Ne serait-il pas nécessairement illusoire ou faux si vous le découvriez? Mais, si vous vous sentez appelé à faire advenir la société individualiste, mettez-vous à tisser le réseau, qui commence partout où quelqu'un le fait commencer, et se relie aux autres parties au hasard des rencontres, même si ces hasards peuvent être favorisés par la recherche que ceux qui se libèrent font les uns des autres.